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  • Mathias Matallah

LFSS 2020 - Episode 2/3 : La stratégie des bouts de ficelle

L’Etat gère le système de santé à la petite semaine avec pour seul objectif de limiter l’augmentation des dépenses à 2,2%, c’est-à-dire la moitié de ce qu’il faudrait pour le maintenir à flots. Cette stratégie d’épicier s’accompagne d’un management de bazar qui empêche tout gain de productivité.



La logique purement comptable de la LFSS est apparue au grand jour avec le débat surréaliste sur l’affectation du financement des mesures prises l’an dernier pour dissuader les gilets jaunes de mettre le feu à L’Elysée. Mais ne nous y trompons pas, elle va bien au-delà, et elle est globale, permanente, insidieuse et mortifère. Elle menace à terme l’existence même de la Sécu et du système de santé en les corsetant dans une toile d’araignée de contraintes impossibles à tenir par les différents acteurs concernés.


Pour l’Etat et la Sécu, la santé se résume à des lignes comptables dans lesquelles il faut tailler chaque année pour limiter les déficits. Le vieillissement de la population et l’évolution des techniques médicales induisent une augmentation naturelle des dépenses de santé de l’ordre de 4,5% par an. Les gouvernements successifs ont décidé qu’elles ne devaient augmenter que de 2,2% tout en interdisant au système de se réformer et de générer ainsi les gains de productivité nécessaires.


Hors de question en effet de restructurer l’hôpital et de procéder, à l’instar de ce qui s’est fait en Allemagne, à un véritable tournant ambulatoire, on risquerait de fâcher les élus locaux, très attachés à leurs emplois et totalement indifférents à l’utilité et à la qualité de cette offre de soins le plus souvent déliquescente.


Hors de question également de cesser d’accorder des autorisations de mise sur le marché (AMM) à des médicaments qui n’apportent aucune amélioration du service médical rendu (ion appelle ça en termes savants la non-infériorité) mais qui sont 10 fois plus chers que les traitements existants, voire plus quand ceux-ci sont génériqués. Pas question en effet de fâcher l’industrie du médicament, qui sait récompenser les hauts fonctionnaires méritants, qui y pantouflent en fin de carrière et y arrondissent substantiellement leur retraite.


Les exemples comme ceux qui précèdent sont innombrables et il faudrait un livre entier pour décrire l’immense gâchis qui a fait de la santé en France l’homme malade de la protection sociale en Europe. Tout aussi perverse est la stratégie de rationnement qui a mis la médecine de ville à genoux. Moins puissants que l’hôpital ou l’industrie pharmaceutique, moins professionnels aussi dans leur lobbying, les médecins de ville ont été laminés ces 20 dernières années et leurs honoraires sont le poste de dépenses qui a le moins augmenté.


Résultat des courses, les meilleurs d’entre eux se sont détournés de l’exercice médical traditionnel et orienté vers de nouvelles pratiques (chirurgie, esthétique, bien-être) qui présentent l’avantage de ne pas être encadrées. Avec pour conséquence une explosion des délais d’attente pour une consultation, qui ont augmenté de 50% en 8 ans chez les spécialistes. Et par un effet boule de neige, une thrombose des urgences, sur lesquelles se déverse le trop-plein de la médecine de ville, et dont 40% des patients n’ont en réalité besoin que d’une consultation de généraliste.


Mais nos gouvernants sont au-dessus de ces débats subalternes, ils sont là pour bouter les déficits hors de la Sécu et pas pour perdre leur temps avec de vulgaires sujets comme la qualité des soins ou le bien-être des malades. Et quand ils parlent de qualité avec des trémolos, ce n’est que pour masquer sans la moindre vergogne des mesures d’économie supplémentaires trop indécentes pour être affichées.


Le chef-d’œuvre de la LFSS 2020 est la partie consacrée à la psychiatrie. Un rapport parlementaire a mis récemment en évidence la situation dramatique dans laquelle se trouvait ce secteur, qui est le plus gros poste de santé en France, loin devant les cancers et les maladies cardiovasculaires. Ce que décrit le rapport est une gabegie financière proprement criminelle mais surtout un drame humain, avec des millions de familles dévastées et des soignants broyés par une machine kafkaïenne digne d’un Etat totalitaire du tiers-monde.


Avant ce rapport, le dossier psychiatrie se limitait pour le gouvernement à une manip comptable visant, à travers une réforme du financement, à racketter les établissements privés, bref à réaliser des économies aux dépens des malades et des soignants. Pour ceux qui ont une sensibilité de gauche et pour qui ‘établissement privé’ égale ‘grand capital’, je précise à toutes fins utiles que beaucoup de ces établissements sont à but non lucratif et que dans de nombreuses régions, ils sont la seule offre de soins psychiatriques disponible.


Après la publication du rapport, on aurait pu imaginer que le gouvernement allait rectifier son texte et proposer des mesures concrètes pour redresser la situation. Que nenni, après avoir versé quelques hypocrites larmes de crocodile sur le sort des victimes de sa gestion des soins psychiatriques, il a expliqué avec un aplomb stupéfiant que la réforme du financement proposée allait résoudre tous les problèmes du secteur par un coup de baguette magique. C’est la stratégie du « plus c’est gros, mieux ça passe ». Chapeau bas, c’est du grand art !



Mathias Matallah, CEO



A suivre ! LFSS 2020 - Episode 3/3 : L'élite n'a plus besoin du peuple


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